art4biodiversity: À travers une exposition virtuelle d'art, reflétant votre impact environnemental

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À quelle fréquence consommez-vous des produits d'origine animale ? Quels sont vos déchets de prédilection à recycler ? Selon vos préférences personnelles, quelle est la température optimale pour un musée en hiver ?

C'est à ce genre de questions que l’on peut répondre lors de la visite de l'exposition digitale conçue par art4biodiversity. Ce projet vise à reconsidérer avec humour la notion de calculateur carbone tout en explorant le rôle de l'art dans la lutte contre la crise climatique.

Hermann Nitsch, Walküre, 2021, stage production
art4biodiversity: Hermann Nitsch, Walküre, 2021, stage production, Bayreuther Festspiele, © Photo: Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath / dpa

Sans surprise, l’entreprise derrière ce quiz artistico-environnemental est une société à but non lucratif faisant la promotion d’initiatives artistiques visant à provoquer une action écologique significative et durable. Cette proposition d’art4biodiversity, dont le principe directeur est “de rassembler les connaissances scientifiques, le discours culturel et l'action réelle”, synthétise à merveille ces ambitions.

Une exposition digitale interactive

Le fonctionnement de ce calculateur reprend le format “traditionnel” du genre, celui d’un questionnaire sur vos pratiques quotidiennes (alimentation, transports, recyclage, etc.) et leur mesure en termes d’émissions de CO2. Ici cependant, le quiz vous emmène à travers une exposition d'art numérique où des œuvres spécifiques viennent refléter votre impact sur l'environnement.

En fonction de vos réponses à chaque question, une œuvre d'art différente vous est présentée. Par exemple, à la question “Comment portez-vous vos valeurs en bandoulière ?” - qui traite de la question de l’habillement -, chaque réponse possible vous fait découvrir une œuvre faisant écho à ce que vous avez choisi. En répondant par exemple:

Je donne certains de mes plus beaux vêtements, le Calculateur vous amène vers un tableau de Gustave Moreau montrant saint Martin donnant son manteau à un pauvre. Cette figure biblique, porteuse de valeurs de partage et de solidarité, pourrait être perçue pour un regard contemporain comme une incitation à se soucier notamment de celles et ceux qui subiront - ou subissent déjà - les conséquences du changement climatique.

Painting of Gustave Moreau, Saint Martin, circa 1882, oil on canvas
art4biodiversity: Gustave Moreau, Saint Martin, circa 1882, oil on canvas

Quand on parle de vêtements, je pense au travail : couture, nettoyage, repassage vous révèle une image numérique de Kawita Vatanajyankur, montrant une femme écrasée par le poids d’une pile de textiles aussi haute qu’elle. L'artiste thaïlandaise y évoque non seulement la réalité du travail des femmes dans les entreprises textiles en Asie du Sud-Est, mais aussi les effets de la surconsommation de vêtements...

Digital print of the artist Kawita Vatanajyankur, Carrier I, 2017
art4biodiversity: Kawita Vatanajyankur, Carrier I, 2017, digital print. Courtesy of the artist

En parlant de valeur, avez-vous mon blazer ? J'ai dû le laisser au vernissage de la semaine dernière dévoile une image de Raul Walch évoquant également la question de la pollution textile. Sur un fond de patchwork de jean - vêtement mondialisé s’il en est ! - les résidus d’un sac en plastique portent le slogan "What A Waste" (Quel gâchis). À travers cette œuvre, l’artiste dénonce les dérives de la fast fashion et de la production de masse.

Artwork of Raul Walch, What a Waste, 2023
art4biodiversity: Raul Walch, What a Waste, 2023, denim, textile paint, silkscreen print, 121 x 148 cm. Photography: Uwe Walter. Courtesy of the artist and Eigen + Art

Certain.e.s des artistes évoquée.s dans le Calculateur sont des figures bien connues de l’histoire de l’art (Giuseppe Arcimboldo, Pierre Bonnard, Honoré Daumier, Vincent van Gogh, Francisco de Goya, Gustave Moreau, Sôsos de Pergame ou encore Leonardo da Vinci), mais la majorité des oeuvres présentées sont les créations d’artistes contemporain.e.s bien vivant.e.s : Ravi Agarwal, Irwan Ahmett & Tita Salina, Marcela Armas, Chow and Lin, Abraham Cruzvillegas, Tadashi Kawamata, Willem van Haecht, Wolf von Kries, Sam Lewitt, Hermann Nitsch, Ahmet Ogut, Kawita Vatanajyakur, Raul Walch, Paul Walde, Ai Wei Wei.

Un texte de description permet d'en savoir plus sur chacune des œuvres et de les situer dans le contexte du quiz, mais aussi plus largement de l'art environnemental et de l’histoire de l’art en général.

D’où vient l’idée de calculer l’empreinte carbone ?

Vous ne vous en doutez sans doute pas tant cela peut sembler paradoxal, mais c'est British Petroleum, l'une des dix plus grandes entreprises pétrolières de la planète, qui est à l’origine du concept de l’empreinte carbone dans les années 1980. Le raisonnement derrière cette notion est pourtant d’une rationalité limpide : en incitant les gens à envisager le changement climatique comme la conséquence d’actions individuelles plus ou moins vertueuses (et souvent moins que plus, puisque le simple fait d’être un.e citoyen.ne d’un pays dit développé implique d’emblée une plus forte concentration d’émissions de CO2), on les incite à appréhender la question à un niveau personnel et on évite ainsi les critiques sur les responsabilités collectives des états et/ou des multinationales dans la crise climatique actuelle. Cette diversion, jouant sans vergogne sur la culpabilité individuelle, fonctionne à merveille, et l’opération de communication de BP peut être considérée comme un véritable succès du genre.

Mark Kaufman a parfaitement résumé la genèse de ce concept dans son article sur L’imposture de l’empreinte carbone :

“British Petroleum, la deuxième plus grande compagnie pétrolière non étatique du monde, avec 18’700 stations-service dans le monde, a engagé les professionnels des relations publiques Ogilvy & Mather pour promouvoir l'idée que le changement climatique n'est pas la faute d'un géant pétrolier, mais celle des individus. C'est ici que British Petroleum, ou BP, a promu pour la première fois et popularisé avec succès le terme "empreinte carbone" au début des années quatre-vingt. L'entreprise a dévoilé son "calculateur d'empreinte carbone" en 2004 afin que chacun puisse évaluer dans quelle mesure sa vie quotidienne - se rendre au travail, acheter de la nourriture et (hélas) voyager - est en grande partie responsable du réchauffement de la planète”.

Avec un humour parfois mordant, le Calculateur d’art4biodiversity détourne cette démarche de calcul auto-centré afin de faire la promotion d'œuvres exprimant un discours critique sur les enjeux climatiques. Ici, pas de bons ou mauvais scores, chaque questionnaire rempli permet de créer une compilation artistique unique en fonction des réponses données.
Après avoir répondu au moins à 6 questions, vous avez la possibilité d'obtenir un bilan de vos réponses sous la forme d'un document imprimable proposant même quelques solutions, puisqu’aux images des œuvres d’art viennent s’ajouter des liens vers des ressources informatives afin qu’un peu de pédagogie puisse être dispensée aux personnes souhaitant poursuivre leur réflexion…

Liste des artistes

Ravi Agarwal, Irwan Ahmett & Tita Salina, Giuseppe Arcimboldo, Marcela Armas, Pierre Bonnard, Chow and Lin, Abraham Cruzvillegas, Honoré Daumier, Vincent van Gogh, Francisco de Goya, Willem van Haecht, Tadashi Kawamata, Wolf von Kries, Sam Lewitt, Gustave Moreau, Hermann Nitsch, Ahmet Ogut, Sosus of Pergamon, Kawita Vatanajyakur, Leonardo da Vinci, Raul Walch, Paul Walde, Ai Wei Wei.

Pour participer au quiz et découvrir le calculateur, visitez : https://www.art4biodiversity.org/calculator.